OEUVRES D'ART

Mon outil premier est la curiosité. Cette sorte de gourmandise enfantine qui pousse à explorer le monde. Je pars donc à l’aventure de la couleur par bien des chemins: je peins à l’acrylique, je grave dans du pastel gras, je saupoudre du pastel sec sur la toile, je colle diverses textures comme de l’aluminium, du tissu ou du papier, je souffle sur l’aquarelle pour créer des arborescences, je teste la réaction du sel avec l’aquarelle… Je joue beaucoup, en somme.

Pourtant, je commence systématiquement mes toiles par un temps de rencontre avec l’acrylique. Tantôt travaillant la peinture les yeux fermés pour mieux être dans mon geste, tantôt partant de l’appel d’une couleur que je module et dans laquelle, inexorablement, s’immisce un visage… Miroir de moi-même, la toile se construit au fur et à mesure que j’y déverse mon émotion. Je n’anticipe rien pourtant. Je ne sais jamais à quoi ressemblera ma toile avant de la commencer. Mon mental part en vacances quand mes doigts saisissent un pinceau, comme si celui-ci était la clé qui me permet d’entrer dans l’instant. Selon mon état, mon ressenti, mon émotion, je suis attirée par telle ou telle couleur, c’est une sorte d’instinct en moi qui de temps en temps me chuchote “ici, du bleu!” “là, du rouge!”. Je me coule dans mon geste, en quête de justesse. La justesse de l’expression de soi, j’essaie de rester dans cet état, de m’y plonger totalement, sans m’y noyer. Et, au fur et à mesure que mon émotion se coule dans la toile, je remonte à la surface, mon cerveau se rallume et je sens une joie immense m’envahir. Je me mets à discuter avec ce début d’œuvre qui fait danser bien des couleurs.

J’ai la sensation qu’à ce moment de la création, je suis une sculptrice qui analyse son bloc de marbre avant de donner son premier coup de marteau. Je regarde longuement ce début d’œuvre, parfois elle reste plusieurs jours sur le chevalet et je m’imprègne de sa présence. D’autres fois, au contraire, l’œuvre me montre directement qui elle est: je discerne la courbe d’une joue, l’arête d’un nez et je me laisse guider. C’est à ce moment-là qu’entrent en scène pastel, collages et autres lubies du moment. La figuration et l’abstraction se mettent peu à peu à résonner l’une avec l’autre, et la toile s’achève quand je sens que les deux chantent de concert une même émotion. L’entendez-vous?